Une offre ne respectant pas le plafond financier d’un marché public est affectée d’irrégularité substantielle

Le plafond financier d'un marché public constitue une exigence minimale qui, en cas de non-respect, doit, en principe, entrainer la nullité de l'offre pour cause d'irrégularité substantielle.

Rappel des faits

Dans le cadre d’un marché public de services passé par procédure concurrentielle avec négociation et ayant pour objet la gestion et l’exploitation intégrée du nouveau navire de recherche fédéral Belgica, le pouvoir adjudicateur a prévu que le prix offert par jour de navigation pour les 140 premiers jours de navigation ne peut pas dépasser un plafond de 15.000,00 EUR htva par jour, soit 2.100.000,00 EUR htva pour les 140 premiers jours au total.

Le cahier spécial des charges précise qu’à terme, l’ambition est cependant d’effectuer 300 jours de navigation par an.

Dès lors que le pouvoir adjudicateur s’est uniquement engagé à faire naviguer le Belgica pour 140 jours, un prix plafond a été prévu pour cette durée uniquement. Pour les jours de navigation supplémentaires, aucun plafond n’a été fixé de sorte que c’est en fonction des ressources budgétaires disponibles et du prix proposé par l’adjudicataire que le pouvoir adjudicateur déterminera si le Belgica naviguera plus de 140 jours par an.

Un soumissionnaire n’ayant pas respecté le plafond fixé pour les 140 premiers jours de navigation a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en suspension selon la procédure d’extrême urgence afin de contester l’irrégularité de son offre.

Principes et dispositions applicables

En termes de régularité des offres, l’article 76, §§ 1er à 4, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques prévoit que :

« § 1er. Le pouvoir adjudicateur vérifie la régularité des offres.

L’offre peut être affectée d’une irrégularité substantielle ou non substantielle.

Constitue une irrégularité substantielle celle qui est de nature à donner un avantage discriminatoire au soumissionnaire, à entraîner une distorsion de concurrence, à empêcher l’évaluation de l’offre du soumissionnaire ou la comparaison de celle-ci aux autres offres, ou à rendre inexistant, incomplet ou incertain l’engagement du soumissionnaire à exécuter le marché dans les conditions prévues.

Sont réputées substantielles notamment les irrégularités suivantes :

1° le non-respect du droit environnemental, social ou du travail, pour autant que ce non-respect soit sanctionné pénalement ;

2° le non-respect des exigences visées aux articles 38, 42, 43, § 1er, 44, 48, § 2, alinéa 1er, 54, § 2, 55, 83 et 92 du présent arrêté et par l’article 14 de la loi, pour autant qu’ils contiennent des obligations à l’égard des soumissionnaires ;

3° le non-respect des exigences minimales et des exigences qui sont indiquées comme substantielles dans les documents du marché.

§ 2. L’offre qui n’est affectée que d’une ou de plusieurs irrégularités non substantielles qui, même cumulées ou combinées, ne sont pas de nature à avoir les effets visés au paragraphe 1er, alinéa 3, n’est pas déclarée nulle.

§ 3. Lorsqu’il est fait usage d’une procédure ouverte ou restreinte, le pouvoir adjudicateur déclare nulle l’offre affectée d’une irrégularité substantielle. Ceci est également le cas pour l’offre qui est affectée de plusieurs irrégularités non substantielles qui, du fait de leur cumul ou de leur combinaison, sont de nature à avoir les effets visés au paragraphe 1er, alinéa 3.

§ 4. Sans préjudice de l’article 39, § 7, alinéa 2, de la loi, le présent paragraphe s’applique à la vérification de la régularité des offres autres que les offres finales, pour les marchés dont le montant estimé est égal ou supérieur au seuil fixé pour la publicité européenne et pour lesquels il est fait usage d’une procédure permettant une négociation. Lorsqu’il s’agit d’une offre finale, le paragraphe 3 s’applique.

Lorsqu’une offre comporte plusieurs irrégularités non substantielles qui du fait de leur cumul ou de leur combinaison, sont de nature à avoir les effets visés au paragraphe 1er, alinéa 3, le pouvoir adjudicateur offre au soumissionnaire la possibilité de régulariser ces irrégularités avant d’entamer les négociations.

Le pouvoir adjudicateur déclare nulle l’offre affectée d’une irrégularité substantielle, sauf disposition contraire dans les documents du marché. Dans ce dernier cas, il donne la possibilité au soumissionnaire de régulariser cette irrégularité avant d’entamer les négociations, à moins que le pouvoir adjudicateur n’ait indiqué à propos de ladite irrégularité qu’elle ne peut faire l’objet d’une régularisation. »

En présence d’une irrégularité dans l’offre, au sens de l’article 76, § 1er, alinéa 3, de l’arrêté royal du 18 avril 2017, le pouvoir adjudicateur doit en constater l’existence, qualifier cette irrégularité de substantielle ou de non substantielle et énoncer les motifs sur lesquels il se fonde pour le faire.

Il convient en outre de rappeler que la juridiction saisie ne peut opérer qu’un contrôle marginal limité au constat d’éventuelles erreurs manifestes d’appréciation, soit d’erreurs qu’aucune autre autorité placée dans les mêmes circonstances n’aurait commises.

Décision du Conseil d’Etat

Aux termes de son arrêt n° 251.502 du 16 septembre 2021, le Conseil d’Etat a confirmé qu’en l’espèce, le prix proposé par chaque soumissionnaire devait l’être dans le respect du plafond financier qui, selon le cahier spécial des charges, ne pouvait être dépassé « en aucun cas ». Cette dernière précision atteste clairement, selon le Conseil d’Etat, l’importance que le pouvoir adjudicateur attachait au respect du plafond financier ainsi fixé, lequel apparaît donc comme constituant une exigence minimale au sens de l’article 76, § 1er, alinéa 4, 3°, de l’arrêté royal du 18 avril 2017.

A défaut pour le soumissionnaire requérant d’avoir respecté le plafond fixé pour les 140 premiers jours de navigation, le Conseil d’Etat a considéré que ledit soumissionnaire ne pouvait sérieusement soutenir que l’irrégularité identifiée par le pouvoir adjudicateur ne relèverait pas d’une des trois hypothèses visées à l’article 76, § 1er, alinéa 4, précité.

Le Conseil d’Etat a enfin précisé que le fait que le plafond financier ne soit pas expressément prescrit à peine d’irrégularité substantielle par les documents du marché n’empêche toutefois pas, en soi, le pouvoir adjudicateur de qualifier d’irrégularité substantielle le non-respect dudit plafond.

Au vu de ce qui précède, le Conseil d’Etat a confirmé l’irrégularité de l’offre du soumissionnaire concerné et a rejeté sa demande en suspension.

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