Possibilité de limiter le nombre de soumissionnaires en procédure concurrentielle avec négociation

Aux termes d'un arrêt n° 247.291 du 12 mars 2020, le Conseil d'Etat rappelle les conditions permettant de limiter le nombre d'offres à négocier dans le cadre d'une procédure concurrentielle avec négociation.

La procédure concurrentielle avec négociation et la faculté de limiter le nombre de participants aux négociations

Parmi les modes de passation d’un marché public, figure la procédure concurrentielle avec négociation dont les principes et conditions sont précisés à l’article 38 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics.

Ce mode de passation en deux phases (dépôt de demandes de participation et dépôt des offres) n’est autorisé que dans des hypothèses limitativement prévues par l’article 38, § 1er, de la loi. 

Après le dépôt des offres initiales, le pouvoir adjudicateur peut négocier lesdites offres et toutes les offres ultérieures que les soumissionnaires ont présentées, à l’exception des offres finales.

En cas de négociation, l’article 38, § 7, de la loi du 17 juin 2016 précise que « [l]a procédure concurrentielle avec négociation peut se dérouler en phases successives de manière à limiter le nombre d’offres à négocier en appliquant les critères d’attribution précisés dans l’avis de marché ou dans un autre document du marché. Le pouvoir adjudicateur indique, dans l’avis de marché ou dans un autre document du marché, s’il fera usage de cette possibilité« .

Un pouvoir adjudicateur qui décide d’entamer des négociations à propos des offres peut dès lors limiter le nombre d’offres à négocier pour autant (1) qu’il applique les critères d’attribution énoncés dans les documents du marché et (2) qu’il indique, dans lesdits documents, s’il fera ou non usage de cette possibilité.

Arrêt n° 247.291 rendu le 12 mars 2020 par le Conseil d’Etat

Dans le cadre d’un marché public de services ayant pour objet la désignation d’un bouwmeester-maître architecte (BMA) pour la Région de Bruxelles-Capitale, le Conseil d’Etat a été saisi, le 7 février 2020, d’un recours en suspension selon la procédure d’extrême urgence dirigé contre une décision aux termes de laquelle il a notamment été décidé d’entamer les négociations avec un seul des deux soumissionnaires ayant remis offre.

En l’espèce, le pouvoir adjudicateur s’est réservé la possibilité de ne négocier qu’avec les soumissionnaires dont l’offre a été classée, après présentation orale des offres, dans la catégorie « très bon » par un comité d’avis. Comme l’a relevé le Conseil d’Etat aux termes de son arrêt n° 247.291 du 12 mars 2020, la décision du pouvoir adjudicateur de limiter la négociation ne pouvait dès lors être prise que sur la base d’une première analyse des offres, effectuée par le comité d’avis à la lumière des critères d’attribution.

A la lecture de l’analyse réalisée par le comité d’avis, le Conseil d’Etat a toutefois constaté que cette analyse n’a pas été effectuée en appliquant les critères d’attribution prévus par le cahier spécial des charges de sorte que la décision du pouvoir adjudicateur de limiter le nombre d’offres à négocier méconnaît l’article 38, § 7, de la loi du 17 juin 2016.

Ayant, semble-t-il, pris conscience de l’illégalité commise, le pouvoir adjudicateur a ensuite adopté, quelques semaines plus tard, une seconde décision afin de compléter la première. Par cette seconde décision, le pouvoir adjudicateur s’est substitué au comité d’avis et a lui-même réalisé une analyse des offres sur la base des critères d’attribution prévus par le cahier spécial des charges, laquelle a abouti a un classement identique à celui établi précédemment par le comité d’avis.

Le Conseil d’Etat a cependant considéré qu’en procédant de la sorte, le pouvoir adjudicateur a violé le principe patere legem quam ipse fecisti en ne respectant pas son propre cahier spécial des charges qui prévoit que c’est le comité d’avis, dont les membres ont assisté aux présentations orales, qui effectue le classement des offres.

Au vu de ce qui précède, le Conseil a ordonné la suspension, d’une part, de la première décision du pouvoir adjudicateur au motif qu’elle repose sur une analyse du comité d’avis méconnaissant l’article 38, § 7, de la loi du 17 juin 2016 et, d’autre part, de la seconde décision du pouvoir adjudicateur dès lors qu’elle viole le principe patere legem quam ipse fecisti en ce qu’elle se fondait sur un classement qui n’a pas été établi par le comité d’avis contrairement à ce que prévoyait le cahier spécial des charges.

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