Modification du contrat suite à des circonstances imprévisibles : bientôt une réalité pour les contrats privés

Dans le cadre de la réforme du Code civil, le législateur a désormais mis fin à la différence de traitement entre les contrats de marché public et les contrats privés en consacrant la théorie de l'imprévision pour les contrats privés.

Si, conformément aux articles 38/9 et 38/10 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics, un contrat de marché public peut, sous certaines conditions, être révisé suite à la survenance de circonstances imprévisibles (prolongation des délais d’exécution, résiliation du marché ou autre forme de révision), force est toutefois de constater que jusqu’à présent, la théorie de l’imprévision n’a pas été consacrée par le législateur en ce qui concerne les contrats privés.

Secteur particulièrement touché par les conséquences liées la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine, le secteur de la construction a ainsi été contraint d’invoquer la force majeure ou d’en appeler à la bonne volonté des maîtres d’ouvrage pour obtenir la révision des contrats privés lourdement impactés par les crises de ces dernières années et ce, avec des fortunes diverses.

Dans le cadre de la réforme du Code civil, le législateur a désormais mis fin à la différence de traitement entre les contrats de marché public et les contrats privés. Aux termes de la loi du 28 avril 2022 portant le livre 5 « Les obligations » du Code civil, le législateur a ainsi adopté l’article 5.74 qui consacre la théorie de l’imprévision pour les contrats privés.

Cette disposition est libellée comme suit :

« Art. 5.74. Changement de circonstances

Chaque partie doit exécuter ses obligations quand bien même l’exécution en serait devenue plus onéreuse, soit que le coût de l’exécution ait augmenté, soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué.

Toutefois, le débiteur peut demander au créancier de renégocier le contrat en vue de l’adapter ou d’y mettre fin lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1° un changement de circonstances rend excessivement onéreuse l’exécution du contrat de sorte qu’on ne puisse raisonnablement l’exiger ;

2° ce changement était imprévisible lors de la conclusion du contrat ;

3° ce changement n’est pas imputable au sens de l’article 5.225 au débiteur ;

4° le débiteur n’a pas assumé ce risque ; et

5° la loi ou le contrat n’exclut pas cette possibilité.

Les parties continuent à exécuter leurs obligations pendant la durée des renégociations.

En cas de refus ou d’échec des renégociations dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande de l’une ou l’autre des parties, adapter le contrat afin de le mettre en conformité avec ce que les parties auraient raisonnablement convenu au moment de la conclusion du contrat si elles avaient tenu compte du changement de circonstances, ou mettre fin au contrat en tout ou en partie à une date qui ne peut être antérieure au changement de circonstances et selon des modalités fixées par le juge. L’action est formée et instruite selon les formes du référé. »

Lorsque les conditions de l’article 5.74 sont remplies, une révision du contrat pourra ainsi être sollicitée, étant entendu que les parties doivent continuer à exécuter leurs obligations pendant les négociations.

En cas de refus ou d’échec des négociations, le juge pourra, à la demande de l’une ou l’autre des parties, adapter le contrat afin de le mettre en conformité avec ce que les parties auraient pu raisonnablement convenir au moment de la conclusion du contrat si elles avaient tenu compte du changement de circonstances, ou mettre fin au contrat en tout ou en partie.

 Gageons que cette nouvelle disposition, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2023, permettra de trouver un équilibre lorsque, dans le cadre de contrats privés, des circonstances imprévisibles surviennent en cours d’exécution du contrat et nécessitent la révision des termes et modalités contractuelles.

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