Estimation du montant d’un marché public : quelles informations doivent être communiquées aux opérateurs économiques ?

Si le pouvoir adjudicateur est tenu d’estimer le montant du marché au plus tard au moment de lancer celui-ci, il n'a toutefois pas l'obligation de communiquer cette information aux candidats et soumissionnaires potentiels.

Estimation du montant du marché

L’article 16 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics pose le principe selon lequel le montant d’un marché public doit être estimé, d’une part, et précise que les règles régissant l’estimation du montant du marché sont fixées par le Roi, d’autre part.

Adoptés en vertu de cette disposition, les articles 6 et 7 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques et de l’arrêté royal du 18 juin 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux prévoient notamment ce qui suit :

  • l’estimation du montant du marché établie lors du lancement de la procédure détermine les règles qui lui sont applicables pendant tout son déroulement, pour autant que l’application de ces règles dépende de la valeur estimée du marché ou découle de l’obligation d’assurer une publicité européenne préalable (art. 6) ;
  • le calcul de la valeur estimée d’un marché est fondé sur le montant total payable, hors taxe sur la valeur ajoutée, estimé par le pouvoir adjudicateur (art. 7, § 1er) ;
  • l’estimation tient compte de la durée et de la valeur du marché ainsi que notamment des éléments suivants :

          – toutes les options exigées ou autorisées ;

          – tous les lots ;

          – toutes les répétitions au sens de l’article 42, § 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016 ;

          – toutes les tranches fermes et conditionnelles du marché ;

          – toutes les primes ou tous les paiements que le pouvoir adjudicateur prévoit au profit des candidats, participants ou soumissionnaires ;

          – le cas échéant, les clauses de réexamen ;

          – les reconductions (art. 7, § 1er) ;

  • le choix de la méthode pour le calcul de la valeur estimée d’un marché public ne peut être effectué avec l’intention de soustraire le marché aux règles de publicité. De même, un marché public ne peut être scindé de manière à le soustraire aux règles de publicité, sauf si des raisons objectives le justifient (art. 7, § 3) ;
  • la valeur estimée est valable au moment de l’envoi de l’avis de marché ou, dans les cas où un tel avis n’est pas prévu, au moment où le pouvoir adjudicateur engage la procédure de passation du marché, par exemple, au moment de l’envoi des documents du marché (art. 7, § 4).

L’article 7 des arrêtés royaux du 18 avril 2017 et du 18 juin 2017 contient d’autres précisions concernant l’estimation de marchés publics plus spécifiques (accords-cadres, systèmes d’acquisition dynamique, partenariats d’innovation, marchés de travaux, marchés de fournitures ou de services présentant un caractère de régularité, etc.).

L’estimation du montant du marché doit-elle être portée à la connaissance des soumissionnaires potentiels ?

Le 24 avril 2020, le Port de Bruxelles a attribué un marché public portant sur un accord-cadre de travaux pour le remplacement de châssis. Ce marché est passé dans les secteurs spéciaux (activités portuaires) et la procédure suivie est celle de la procédure négociée avec mise en concurrence préalable.

Par une requête introduite le 28 mai 2020, un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été choisie a saisi le Conseil d’Etat d’une demande en suspension d’extrême urgence afin d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision d’attribution du 24 avril 2020. Parmi les moyens invoqués, le requérant a critiqué le fait que le cahier spécial des charges ne contenait aucune précision relative au montant global de l’accord-cadre en cause.

Aux termes de son arrêt n° 248.043 du 13 juillet 2020, le Conseil d’Etat a tout d’abord observé que le requérant n’indiquait pas la disposition légale ou réglementaire qui imposerait, pour un marché soumis à la publicité belge passé par procédure négociée dans les secteurs spéciaux, de communiquer le budget total alloué à l’accord-cadre en cause.

S’agissant de l’obligation d’estimer le montant du marché, le Conseil d’Etat a, en outre, rappelé que les articles 6 et 7 de l’arrêté royal du 18 juin 2017 « obligent uniquement l’entité adjudicatrice à estimer le montant total du marché lors du lancement de la procédure, pas à communiquer cette information aux soumissionnaires potentiels ».

A l’instar des autres moyens soulevés par le requérant, le moyen critiquant l’absence de précision quant au montant global de l’accord-cadre a dès lors été déclaré non sérieux par le Conseil d’Etat de sorte que la demande de suspension d’extrême urgence a été rejetée.

Cet arrêt permet ainsi d’apporter une précision importante quant à l’obligation d’estimation du montant d’un marché public : si le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’estimer le montant du marché au plus tard au moment de l’envoi de l’avis de marché ou au moment d’engager la procédure de passation du marché, il n’est toutefois pas tenu de communiquer cette information aux candidats et soumissionnaires potentiels. L’estimation du montant du marché doit dès lors ressortir du dossier administratif mais rien n’oblige cependant le pouvoir adjudicateur à faire apparaître cette information dans les documents du marché.

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