Conflit d’intérêts entre le pouvoir adjudicateur et un opérateur économique

Le pouvoir adjudicateur doit prendre les dispositions nécessaires afin de prévenir, détecter et corriger tout conflit d'intérêts, et toute personne liée à un pouvoir adjudicateur se trouvant dans une situation de conflit d'intérêts doit se récuser.

Rappel des faits

Dans le cadre d’un marché public de services ayant pour objet la fourniture, l’installation et la maintenance du parc des serveurs, des PC et périphériques et des services desk, le pouvoir adjudicateur a attribué le marché à un groupement d’opérateurs économiques.

 Parmi les soumissionnaires non-retenus, l’un d’entre eux a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en suspension d’extrême urgence afin de dénoncer plusieurs conflits d’intérêts dès lors que, d’une part, le pouvoir adjudicateur est actionnaire à 4,87 % dans l’une des sociétés composant le groupement en question et, d’autre part, plusieurs membres du personnel des sociétés composant ce groupement sont également membres du pouvoir adjudicateur et auraient participé à la procédure de passation du marché litigieux.

Principes et dispositions applicables

L’article 6, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics impose au pouvoir adjudicateur de prendre les mesures nécessaires permettant de prévenir, de détecter et de corriger de manière efficace des conflits d’intérêts survenant lors de la passation et de l’exécution du marché, afin d’éviter toute distorsion de concurrence et d’assurer l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques.

L’article 6, § 1er, alinéa 2, de la même loi définit le conflit d’intérêts comme « au moins toute situation dans laquelle lors de la passation ou de l’exécution tout fonctionnaire concerné, tout officier public ou toute autre personne liée à un adjudicateur de quelque manière que ce soit […] ainsi que toute personne susceptible d’influencer la passation ou l’issue de celle-ci, a directement ou indirectement un intérêt financier, économique ou un autre intérêt personnel qui pourrait être perçu comme compromettant leur impartialité ou leur indépendance dans le cadre de la passation ou de l’exécution ».

L’article 6, § 2, de la loi du 17 juin 2016 fait interdiction « à tout fonctionnaire, officier public ou à toute autre personne liée à un adjudicateur de quelque manière que ce soit […] d’intervenir d’une façon quelconque, directement ou indirectement, dans la passation ou l’exécution d’un marché public, dès qu’il peut se trouver, soit personnellement, soit par personne interposée, dans une situation de conflit d’intérêts avec un candidat ou un soumissionnaire », sauf, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque cette interdiction empêcherait l’adjudicateur de pourvoir à ses besoins.

L’article 6, § 3, de la loi présume l’existence d’un conflit d’intérêts notamment « lorsque le fonctionnaire, l’officier public ou la personne physique visée au paragraphe 1er, alinéa 2, est, lui-même ou par personne interposée, propriétaire, copropriétaire ou associé actif de l’une des entreprises candidates ou soumissionnaires ou exerce, en droit ou en fait, lui-même ou, le cas échéant, par personne interposée, un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle ».

Ces dispositions imposent, d’une part, au pouvoir adjudicateur de prendre les dispositions nécessaires afin de prévenir toute situation de conflit d’intérêts et, d’autre part, à toute personne liée à un adjudicateur se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts de se récuser.

Décision du Conseil d’Etat

Aux termes de son arrêt n° 249.424 du 7 janvier 2021, le Conseil d’Etat a tout d’abord observé qu’il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire pour interdire aux personnes morales qui présentent des liens structurels avec le pouvoir adjudicateur de se porter candidates pour des marchés publics attribués par celui-ci. Lors de l’attribution du marché, le Conseil d’Etat précise que le pouvoir adjudicateur ne peut évidemment pas avantager ces personnes morales en raison de ces liens structurels et doit prendre les mesures nécessaires pour éviter que le jeu normal de la concurrence ne soit faussé et garantir le respect des règles relatives à la passation des marchés publics.

Le Conseil d’Etat a ensuite procédé à un examen minutieux des liens existants entre le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire ainsi que de la situation de chaque membre du personnel du pouvoir adjudicateur soupçonné de conflit d’intérêts pour conclure qu’en l’espèce, il n’existait aucun conflit d’intérêts.

En effet, le Conseil d’Etat a constaté que :

– rien ne permet de considérer que l’adjudicataire aurait pu être favorisé en raison de l’actionnariat limité à 4,87 % que le pouvoir adjudicateur détient dans une des trois sociétés du groupement ayant obtenu le marché ;

– certaines personnes se trouvaient en situation de conflit d’intérêts mais elles se sont retirées et n’ont donc joué aucun rôle lors de la procédure de passation du marché litigieux ;

– les autres personnes évoquées par la partie requérante ne se trouvaient pas en situation de conflit d’intérêts.

Le Conseil d’Etat a dès lors considéré qu’en l’espèce, le pouvoir adjudicateur a pris « les mesures nécessaires permettant de prévenir, de détecter et de corriger de manière efficace les conflits d’intérêts » de sorte que la demande de suspension d’extrême urgence a été rejetée.

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