Vérification des dettes sociales et fiscales des candidats ou soumissionnaires

Avant l’attribution d'un marché public, le pouvoir adjudicateur doit vérifier, au moyen de documents mis à jour, que le soumissionnaire auquel il a décidé d’attribuer le marché est en ordre de paiement d'impôts et de cotisations sociales.

Rappel des faits

Suite à l’attribution d’un marché public de services pour l’entretien et le dépannage du réseau de télémesures hydrologiques WACONDAH, le Conseil d’Etat a été saisi d’une demande en suspension d’extrême urgence visant la décision d’attribution du marché en cause.

Dans le cadre de ce recours, la partie requérante a notamment remis en question la sélection de l’adjudicataire au motif que la décision d’attribution ne faisait aucune mention de ce que le pouvoir adjudicateur aurait vérifié que l’adjudicataire était en ordre de paiement d’impôts et taxes ainsi que de cotisations de sécurité sociale.

Principes et dispositions applicables

Sous réserve de certaines exceptions explicitement prévues, l’article 68 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics prévoit que « le pouvoir adjudicateur exclut, à quelque stade de la procédure de passation que ce soit, la participation à une procédure, d’un candidat ou d’un soumissionnaire qui ne satisfait pas à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale ».

Selon l’article 75 de la loi du 17 juin 2016, « [l]e Roi détermine les certificats, les déclarations, les références et les autres moyens de preuve, dont le pouvoir adjudicateur peut exiger la production afin de prouver qu’il n’existe pas de motifs d’exclusion et que les critères de sélection sont remplis ».

 L’article 73, §§ 3 et 4, de la loi du 17 juin 2016 précise encore ce qui suit :

 « § 3. Le pouvoir adjudicateur peut demander à des candidats et soumissionnaires, à tout moment de la procédure, de fournir tout ou partie des documents justificatifs, si cela est nécessaire pour assurer le bon déroulement de la procédure.

Avant l’attribution du marché, le pouvoir adjudicateur exige du soumissionnaire auquel il a décidé d’attribuer le marché, sauf pour les marchés fondés sur des accords-cadres lorsque ces marchés sont passés conformément à l’article 43, § 4 ou § 5, 1°, qu’il présente les documents justificatifs mis à jour visés à l’article 75. Le pouvoir adjudicateur peut inviter les opérateurs économiques à compléter ou à expliciter les certificats reçus.

§ 4. Nonobstant le paragraphe 3, les opérateurs économiques ne sont pas tenus de présenter des documents justificatifs ou d’autres pièces justificatives lorsque et dans la mesure où le pouvoir adjudicateur a la possibilité d’obtenir directement les certificats ou les informations pertinentes en accédant à une base de données nationale dans un Etat membre qui est accessible gratuitement, comme un registre national des marchés publics, un dossier virtuel d’entreprise, un système de stockage électronique de documents ou un système de préqualification.

Nonobstant le paragraphe 3, les opérateurs économiques ne sont pas tenus de présenter des documents justificatifs lorsque le pouvoir adjudicateur a déjà ces documents en sa possession suite à un marché ou un accord-cadre conclu précédemment, et ce, à condition que les opérateurs économiques concernés identifient dans leur demande de participation ou dans leur offre la procédure au cours de laquelle lesdits documents ont déjà été fournis et pour autant que les renseignements et documents mentionnés répondent encore aux exigences requises ».

Les articles 62, § 1er, et 63, § 1er, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques confirment que le candidat ou le soumissionnaire qui ne satisfait pas à ses obligations de paiement de cotisations de sécurité sociale ou de dettes fiscales est exclu de la participation à une procédure de passation, conformément à l’article 68 de la loi.

En leur § 2, les articles 62 et 63 de l’arrêté royal précité précisent que le pouvoir adjudicateur procède à la vérification de la situation sur le plan des dettes sociales ou de la situation fiscale des candidats ou soumissionnaires, sur la base des attestations qui sont disponibles électroniquement pour le pouvoir adjudicateur via l’application Télémarc ou via d’autres applications électroniques équivalentes et accessibles gratuitement dans d’autres Etats membres. Ces dispositions ajoutent que la vérification doit se faire dans les 20 jours suivant la date ultime pour l’introduction des demandes de participation ou des offres.

Lorsqu’il n’est pas possible de vérifier de manière certaine que le candidat ou le soumissionnaire satisfait à ses obligations de paiement des cotisations de sécurité sociale ou à ses obligations fiscales, les articles 62, § 3, et 63, § 3, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 prévoient que le pouvoir adjudicateur demande directement au candidat ou au soumissionnaire de fournir une attestation récente justifiant qu’il satisfait à ses obligations.

L’article 68 de l’arrêté royal du 18 juin 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux rend applicable aux secteurs spéciaux les articles 62 et 63 de l’arrêté royal du 18 avril 2017.

Décision du Conseil d’Etat

Aux termes de son arrêt n° 250.323 du 13 avril 2021, le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte de l’article 73, § 3, alinéa 2, de la loi du 17 juin 2016 que le pouvoir adjudicateur doit vérifier systématiquement, avant l’attribution du marché, au moyen de documents mis à jour, que le soumissionnaire auquel il a décidé d’attribuer le marché satisfait à ses obligations relatives au paiement d’impôts et de taxes ainsi que de cotisations de sécurité sociale.

Si, en l’espèce, la vérification de la situation de l’adjudicataire sur le plan des dettes sociales et sur le plan fiscal a bien été effectuée dans les 20 jours suivant la date ultime de dépôt des offres, le Conseil d’Etat observe toutefois qu’aucune pièce du dossier administratif ne démontre que ces vérifications ont été mises à jour conformément à l’article 73, §§ 3 et 4, de la loi du 17 juin 2016.

Cette disposition prévoit, pour rappel, que le pouvoir adjudicateur doit exiger du soumissionnaire auquel il a décidé d’attribuer le marché qu’il présente des documents justificatifs mis à jour avant l’attribution du marché, sauf si le pouvoir adjudicateur a la possibilité d’obtenir directement les certificats ou les informations pertinentes en accédant à une base de données nationale dans un Etat membre qui est accessible gratuitement.

A cet égard, le Conseil d’Etat précise que « [s]i l’article 73, § 4, de la loi, qui permet aux opérateurs économiques de ne pas présenter des documents lorsque et dans la mesure où le pouvoir adjudicateur a la possibilité d’obtenir directement les certificats ou les informations pertinentes en accédant à une base de données nationale accessible gratuitement, comme Télémarc, il ne dispense pas la partie adverse de faire la démarche qui consiste à s’enquérir, avant l’attribution du marché, de la situation des dettes fiscales et sociales du soumissionnaire auquel elle a décidé d’attribuer le marché ».

Dans la mesure où, en l’espèce, aucune pièce n’a permis de démontrer qu’avant l’attribution du marché, le pouvoir adjudicateur a effectivement mis à jour les informations relatives à la situation sur le plan des dettes sociales et à la situation fiscale de l’attributaire pressenti, le Conseil d’Etat a estimé que l’article 73, § 3, alinéa 2, de la loi du 17 juin 2016 a été violé de sorte qu’il a ordonné la suspension de l’exécution de la décision d’attribution du marché public concerné.

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